Les montagnes du Rwenzori, à quelques kilomètres seulement de l'équateur, sont drapées dans le mythe. Ptolémée, 150 ans avant Jésus Christ, mentionne déjà leur existence en les nommant Montagnes de la Lune et en en faisant les sources du Nil.
Mais il faut attendre 1889 pour que le premier explorateur occidental, Henry Morton Stanley (le Stanley qui prononça le fameux "Docteur Livingstone, je présume") puisse les apercevoir et confirme la présence de grands glaciers en zone équatoriale, chose retenue impossible par les géographes de l'époque.
L'exploration systématique du massif et l'ascenscion des principaux sommets est effectuée en 1906 par une expédition italienne menée par le Duc des Abruzzes, grand explorateur devant l'éternel. En fait aussi partie Vittorio Sella, largement reconnu comme l'un des meilleurs photographes de montagne de tous les temps, qui nous a légué un héritage inestimable : en effet ces glaciers légendaires fondent inexorablement et se trouvent désormais bien loin de leur magnificence du siècle passé, immortalisée par le photographe de Biella.
Enock's falls Mt Stanley, Alexandra et Margherita (5'109 m)
Le Mt Stanley avec ses glaciers en voie de disparition
Le Mt Baker (4'843 m) Rwenzori, paradis des lacs
Mt Luigi di Savoia (4'626 m)
Tant de merveilles géographiques et tant de noms de légende m'attirent vers l'Ouganda. En 12 jours, je parcours en long et en large le parc national du Rwenzori, accompagné de huit porteurs et de deux guides (expédition aux proportions presque dignes du siècle passé!). Rapides, nous avalons les étapes le matin pour éviter les pluies qui tombent avec régularité durant l'après-midi. Rwenzori signifie en effet "faiseur de pluie", un nom plus que mérité au vu des trois mètres de précipitations annuelles.
Les ascensions se révèlent plutôt faciles, sur du granit solide et sur ces fameux glaciers, bien gelés après des nuits claires. Je ne résiste pas au plaisir de citer les noms des sommets gravis, qui honorent explorateurs et membres de familles royales européennes dans la plus pure tradition du XIXème siècle :
- Mt Luigi di Savoia, pointe Weismann (4'620 m)
- Mt Baker, pointe Edward (4'843 m)
- Mt Stanley, pointe Margherita (5'109 m) - sans oublier de mettre un pied de l'autre côté de la frontière, au Congo!
- Mt Speke, pointe Vittorio Emanuele (4'890 m)
Je passe de très bons moments avec mon équipe. Nous discutons de tout et de rien, politique, ethnies de l'Ouganda, femmes bien sûr! Les porteurs sont des paysans qui profitent de gagner un peu de cash à l'occasion. Les guides quant à eux excercent professionnellement et ont été formés par des guides de montagnes norvégiens et allemands : ils me font une belle impression de sérieux. Mention particulière à Green, l'aide de cuisine de 17 ans qui vient gagner de quoi payer les frais de scolarité du collège qu'il fréquente! (Honte à moi quand je pense à la motivation scolaire que j'avais à son âge...). Tous possèdent une condition physique impressionnante et semblent tout étonnés de me voir les suivre (avec peine, haletant et pantelant, et avec un bien plus léger chargement qu'eux).
Mes guides, Samuel et Enock Sieste au pied du glacier
Sur les glaciers du Mt Stanley
Photo de groupe Sur le glacier du Mt Speke
Mais le vrai trésor du Rwenzori, ce qui fait de ce massif un joyau à nul autre pareil, c'est sa flore dopée par les précipitations abondantes. Au-dessus de 3'500 mètres, les lobelias et les séneçons géants prolifèrent, prenant un aspect spectral quand la brume les entoure.
Ces plantes constituent la particularité des montagnes de l'Afrique de l'Est et c'est au Rwenzori qu'elles atteignent l'apogée de leur exubérance.
Lobelias géantes
Séneçons géants
Humide, le Rwenzori...